La journée touchait à sa fin pour le grand bonheur de Kosuke. La nuit ne tarderait plus à tomber et il se retrouverait dans l'obscurité. Rien que d'y penser, cela le ravissait en son for intérieur.
Il gravit les marches le menant à l'internat afin d'y déposer ses affaires. Dans l'escalier il croisa plusieurs personne dont il ne connaissait même pas le nom. En réalité il s'en moquait bien, il était certain que ces gens-là ne l'avaient pas remarqué. Il passa son chemin pour arriver au bon étage, ouvrit la porte de la chambre, chambre où il avait un colocataire, et jeta littéralement son sac au pied de son lit mal fait.
Il ouvrit la fenêtre, s'y accouda et fouilla dans son pantalon. Cigarette... Il ne lui en restait plus qu'une. Flegmatiquement, il la regarda, puis se décida à la fumer. Il faudrait refaire le plein plus tard. Sortant son briquet, il l'alluma avant de la porter à ses lèvres. Le soleil commençait à se cacher derrière les arbres, la soirée arrivait à grands pas.
Kosuke termina sa dernière sucette à cancer et s'allongea sur son lit, les bras croisés derrière la tête. Il était seul dans la pièce et il se sentait complètement détendu. Un petit vent venait lui caresser le visage de temps à autre., lui faisant oublier la journée ennuyante qui s'était écoulée.
Le blond n'aimait pas les cours. Il y allait histoire de dire que, mais il ne prenait aucun plaisir en classe. D'ailleurs, il se mettait toujours au fond et se débrouillait pour dormir ou avoir une fenêtre à côté de lui. Il ne savait pas quoi faire d'autre, et ce que racontait les professeurs l'ennuyait énormément. Pour preuve, il avait redoublé sa deuxième année.
En y mettant un peu du sien et de la bonne volonté, il pouvait faire preuve de bon travail, mais la chose la plus cruciale qu'est la motivation, lui manquait affreusement.
Tout à coup la porte de la chambre le fit légèrement sursauter. Son colocataire venait de rentrer. Il lui fit un signe de la main en guise de salutation, qu'il lui rendit. Kosuke se releva, enfila une veste et ressortit de la pièce. Non pas qu'il s'entendait mal avec l'autre garçon, vu qu'ils ne se parlaient pas, mais le blondinet n'avait pas la moindre envie de rester avec lui.

Il fit donc chemin inverse pour quitter l'internat. Il erra un instant autour avant de se décider à rejoindre la salle commune. Il irait se caler dans un coin, hors de portée des autres élèves, et on ne viendrait sûrement pas le déranger, vu son look sombre.
Kosuke entra dans la grande salle et visa un endroit où personne n'était dans le fond. Il s'y rendit donc, le visage fixé sur ses pieds. Sans encombre, il parvint au lieu-dit, retira sa veste et la posa au sol afin d'en faire un genre de coussin. Peu rembourré ni très confortable, mais il ne fallait pas trop en demander non plus.
Il s'interrogea même pourquoi il était venu se perdre ici... Il haussa les épaules et ramena ses longues jambes contre son torse. Il posa son menton dessus et observa tous les élèves autour de lui. Ils discutaient entre eux, certains jouaient aux cartes, d'autres regardaient la télévision, rien d'anormal au fond. Il n'en connaissait aucun, et aucun ne le connaissait. C'était déjà un bon point, on ne viendrait pas lui parler ni lui causer des ennuis. Ces derniers pourtant bien fréquents.
En s'habillant tout de noir, en arborant des piercings et en se montrant assez dur, il pensait en impressionner plus d'un, mais ce n'était pas souvent le cas. Oh, il ne se laissait pas faire non plus, mais il ne se battait pas, jamais, bien qu'il l'aurait peut-être aimé le faire dans des cas plus... difficiles à envoyer balader.

Alors qu'il commençait à somnoler doucement, les yeux mi-clos, il aperçut quelqu'un venir dans sa direction. Immédiatement il rouvrit les paupières et fronça les sourcils afin de voir le visage de l'autre. Kosuke soupira, que lui voulait Kyung Rok ?!

A l'entente de son prénom, ledit Kosuke releva le visage vers son interlocuteur. Ah, ce garçon il le connaissait, un peu, vaguement. Ils avaient déjà discuté ensemble, ou plutôt Kyung Rok était venu voir le blond, et... et ça n'allait pas plus loin dans l'immédiat.
Le japonais détendit ses jambes pour finalement s'asseoir en tailleur. Le jeune homme en face de lui paraissait un peu patraque. Étonnant, songea Kosuke, la dernière fois il ne cessait pas de parler. Mais après tout, tout le monde a ses petits ennuis et ses gros tracas. Alors il ne fit nullement la remarque, se contentant simplement de répondre à la question qu'on lui avait posé.

« On fait aller. »

Et cette phrase sous-entendait : je vais bien, mais pas totalement. Seulement, ça Kosuke n'irait jamais le déclarer à qui que ce fût.
Vint ensuite l'interrogation du garçon sur les piercings du blond. Ce dernier, par pur réflexe, posa sa main sur sa lèvre comme pour se rappeler s'il en avait mis qu'un ou les deux. Et il portait bien les deux. Il adorait les piercings, il en avait beaucoup et un peu partout sur le corps. Pendant quelques années, il avait ardemment songé où s'en faire de nouveaux, désormais il pensait à un piercing à l'arcade, au nez, à la lèvre supérieure, et récemment il penchait pour la nuque. Celui-ci devait sans doute être un peu plus douloureux, mais le jeune homme trouvait cela drôlement esthétique.

« Non, reprit-il, le plus flippant c'est de voir l'aiguille dans ta lèvre. »

Il se souvint alors la première fois qu'il était allé à la boutique de tatouages et de piercings. Déjà, l'extérieur du magasin ne rassurait pas énormément et l'homme qui faisait cela non plus. Son visage en était totalement recouvert et Kosuke se rappelait même du piercing en forme de deux boules sur son bras droit. Il en avait été totalement subjugué, mais apparemment à cet endroit là ça ne faisait pas du bien. Pas pour les mauviettes ; c'était le terme exact employé par le perceur. Peut-être que le blondinet en aurait un sur le bras, il y pensait.
Il reporta finalement son attention sur Kyung Rok qui semblait absorbé par ses deux piercings.

« Ce ne sont que les premiers que j'ai fait, expliqua-t-il, tu en voudrais toi aussi ? »

Si l'autre en voulait, le japonais serait ravi de le présenter à son perceur.
Ses piercings étaient un peu sa manière de se démarquer des autres. En plus d'aimer cela et de ne pas ressentir grand-chose lorsqu'il s'en faisait un supplémentaire, Kosuke les collectionnait un peu. Ceux qu'il portaient aux oreilles, il les changeait très souvent. Parfois des anneaux, d'autres fois des barres, des épingles à nourrice, en bref, un peu tout et n'importe quoi. Les infections, il ne les connaissait pas. Peut-être était-ce là sa plus grande chance.
Tout à coup, sa jambe se mit à grouiller ; il avait des fourmis qui le grignotaient. Rapidement il se releva et fit quelques pas sur sa droite, puis sa gauche pour revenir là où il était quelques secondes plus tôt. Kyung Rok paraissait plutôt amusé par ce qui lui arrivait. Pour éviter toutes moqueries de sa part, le blond reprit la parole en se penchant vers lui. Sans le toucher, il désigna sa narine droite.

« Un piercing là t'irait bien, crois-moi. »

Il se recula dos au mur et croisa les bras sur sa poitrine. Les fourmis étaient finalement parties.

Un... massage ? A cette idée Kosuke releva un sourcil. Certainement pas non. C'était bien l'une des dernières choses à faire avec lui, il ne voulait pas non plus se faire passer pour plus fou qu'il ne semblait l'être déjà. Alors il répondit simplement :

« Je m'en passerais, merci. »

Oui, il s'en passerait. Il s'en passerait comme tous les autres gestes physiques. Il n'en voulait pas, il ne fallait surtout pas le toucher. Dans ce cas-là tout se passait bien, mais dans le cas contraire, ses crises pouvaient être assez "violentes", ou "effrayantes", au choix. Soit le blondinet se mettait à pleurer toute les larmes de son corps, soit il frappait la personne qui l'avait touché. D'ailleurs, cette dernière situation l'embarrassait peut-être davantage que la première, car il s'affichait plus.
Lorsqu'il pleurait, cela venait vraiment du plus profond de son être. Il était incontrôlable et pour se calmer il devait s'enfermer dans une pièce noire, sans lumière. Cette crise là, il la détestait, il la haïssait même plus que la personne à l'origine de tout cela. Ça le rongeait, l'habitait et le hantait. Il ne pouvait pas réellement définir ce qu'il ressentait dans ces moments là, mais les gens qui avaient assisté à un de ses événements, lui avaient ensuite dit que c'était un peu comme s'il n'entendait et ne voyait plus rien. Une sorte d'absence.
Et ça, Kosuke s'en apercevait parfaitement car, à la suite de l'un de ses crises, il ne se souvenait pas de comment elle était arrivée. Dans ses moments de folie, la seule chose et les seules images qu'il conservait en tête, étaient celles de son père. De ses mots, de son visage, de ses gestes, tout ce que lui avait fait son géniteur. Et tout cela se trouvait être bien plus difficile à gérer qu'on ne pût le penser.

« Tu n'aimes pas ça, les piercings, hein ? Tu peux me le dire, ça se voit rien qu'à ton expression. »

Le japonais haussa les épaules. Il vint à se demander s'il était si impressionnant que ça, tout de noir et de chaînes vêtus. Quelque part, ça le confortait, mais bon, Rok Kim ne paraissait pas être une personne extrêmement malveillante, au contraire même. Et en général, Kosuke obtenait des ennuis à cause de gens mauvais. Ça l'étonnait d'ailleurs et il s'interrogeait souvent pourquoi. Peut-être parce que, plus tu essaies de passer inaperçu, plus on te voit ? Possible...

« C'est étonnant qu'une personne comme toi veuille discuter avec moi. Vraiment, ça m'intrigue. » reprit le blond.

Suite à sa phrase, il se rassit, face à son interlocuteur, attendant sa réponse. Après tout, si ce dernier avait fait l'effort, certainement surhumain de venir l'aborder, autant poursuivre la conversation. De plus, Kosuke ne possédait nullement l'envie de remonter dans sa chambre retrouver son colocataire...