Briller, c'est tout ce que l'on me demandait de faire. Mon métier consistait à briller comme un diamant parmi tant d'autres. Mais je ne pouvais me contenter de cela et c'était ce qui me différencier des autres. J'étais le diamant unique, celui qui suscitait la curiosité, l'envie et la jalousie. A moi seule, j'étais une tentation dont toute la région parlait. Oui, j'étais cette fille importée d’Amérique aux origines chinoises ! Un métissage qui faisait fantasmer plus d'un homme, mais aussi plus d'une femme. Un métissage qui créait dans leurs petits esprits quelques fantaisies occidentales. J'étais ce joyaux dont tout le monde voulait posséder.

Hier soir, ma soirée au Night Club m'avait littéralement usée me laissant rentrer au petit matin. A bout de force, je m'étais jetée dans le lit, laissant de côté mon démaquillage quotidien. Ce fut avec horreur que je découvris mon visage ce matin. Mon eye-liner s'était réduit à l'était de poussière et s'était déposé sous mes yeux, creusant encore plus mes cernes. Mon mascara avait collé mes cils entre eux. Quant à mon rouge à lèvres Chanel, il s'était estompé jusqu'en haut de ma joue. J'avais de quoi rivaliser avec le célèbre ennemi de Batman...

Après m'être correctement décrassée et avoir remis en ordre tout ce désordre physique, grâce à la magie d'une petite lotion, de coton et d'une bonne douche, j'appliquais une de mes meilleures crèmes sur mon visage. J'avais en horreur les imperfections. Quelles soient visibles à l’œil nu ou non, j'avais besoin d'être parfaite !

Comme tous les jours, il n'y avait pas grand-chose à faire dans cet appartement et comme à son habitude, Osee n'était pas là. C'était vêtue d'un mini short en coton de couleur vert émeraude, et d'un débardeur Américain Vintage blanc, que je traînais dans ce grand espace vide. Si je ne portais pas mes converses noires, on aurait pu croire que j'étais encore en pyjama. Mes cheveux fraîchement lavés, étaient relevés de manière à former une petite boule perchée sur le haut de ma tête. Ainsi, avec ma tenue de guerrière, je flânais comme un rat mort dans l'appartement. Toujours les mêmes disques qui tournaient en boucle dans la chaîne hifi, toujours les mêmes programmes qui passaient à la télé. Même les gens à l'extérieur étaient ennuyants ! Même si parfois ça m'amusait de les regarder passer et repasser parce que je suis d'un naturel critiquable extrêmement confirmé ! Mais aujourd'hui, toutes ces choses me paraissaient fades. J'avais envie de quelque chose de nouveau, d'affronter quelques folies. A partir de ce désir, je commençais à fouiller dans les affaires Osee et ce fut en tombant sur une petite boite cachée contenant ses économies que mon sourire se fit de plus en plus large. Le ciel était avec moi et je comptais bien dépenser sans compter, comme une femme au cœur brisée. Bien que j'étais loin de l'être !

Impossible de déterminer la durée de mon shopping, mais ce que je savais, c'était que j'allais être en retard au boulot comme presque tous les soirs ! La différence avec l'Amérique, c'était que les Japonais étaient bien moins cléments sur les minutes et même les secondes de retard ! Rapidement, j'attrapais mon sac à main en fourrure synthétique où se trouvaient les indispensables du travail et fila en vitesse éclair. C'était parti pour la course aux transports en commun ! Un enfer que je pouvais largement m'éviter en prenant la voiture, mais je refusais catégoriquement de la prendre, ne sachant jamais ce que je prévoyais après mes heures de travail.

Ce soir-là, le chic et le glamour étaient de rigueur. Les stripteaseuses devaient porter un ensemble noir en dentelle, visiblement trop transparents pour mes collègues japonaises, célèbres pour leur pudeur. Natacha ( ma collègue russe et surtout ma principale rivale ), s'empressait à jouer les meneuses pour les faire réagir. Mais tout ce qu'elle cherchait à faire, ce n'était pas un mouvement révolutionnaire digne de ce que la Russie avait pu connaître ! Ce qu'elle cherchait plutôt à créer, c'était de les faire quitter le club afin d'obtenir un pourboire bien plus important et de se retrouver en duel face à moi. Pauvre idiote, elle était bien naïve de croire qu'elle pouvait gagner face à moi. Une fois notre tenue enfilé, le rouge à lèvre vif colorant nos petites bouches pulpeuses et les paillettes plein le corps, nous entrons en scène pour dévoiler les délices du corps féminin.

Durant toute la soirée, un homme m'observait le regard brillant de plaisir. Pas une seule seconde son regard se détacha de mon corps ondulant comme un serpent charmant sa proie. Je savais qu'une fois que mes danses seront terminées, il viendrait me déposer un sacré pourboire pour lui avoir donné tant de plaisir qu'il est pu en recevoir en une vie. Quand je quittais le podium pour aller danser près de certains clients, son regard devenait agressif, comme s'il était la seule personne à avoir un droit sur moi, comme si j'étais sa chose. Poussant tout ceux que j'avais touché pendant mes danses en public, cet homme cherchait à se frayer un chemin vers moi. Mais en vain, j'aimais le rendre fou en me rendant inaccessible.

A la fin de mon service, il était là, à m'attendre à l'arrière du club. Du regard, je cherchais Osee comme si je cherchais de l'aide, mais pour tout dire je ne l'avais pas vu de la soirée. En vérité, qu'il soit là ou non, ce n'était pas le véritable problème. Le problème, c'était que j'avais besoin de lui, il me servait de repère, il était le seul point stable et fixe de ma vie. Il m'empêchait de me perdre et c'était quelque chose que j'avais du mal à expliquer. Par fierté sûrement, je me taisais. Je n'avais aucune envie qu'il s'imagine qu'il puisse être plus qu'un petit ami... Enfin, ce que je ne voulais surtout pas être, c'était devenir dépendante de cet homme en arrivant au Japon, au lieu de lui montrer que j'étais capable de m'en sortir plus ou moins seule !

Finalement, le silence se brisa. L'homme, la main glissante sur ma hanche m'approcha vers lui, me murmurant à l'oreille qu'il avait envie de finir la soirée à l'hôtel et qu'il était prêt à mettre le prix pour me convaincre à lui répondre un simple hochement de tête. Qui était-il pour croire qu'il avait le privilège de s'offrir une nuit de rêve avec le précieux diamant que j'étais ? Ce qui m'intéressait de mon côté, c'était simplement le jeu. Jouer au chat et à la souris avec cet homme, comme je l'avais fait tout au long de la soirée. Mais sentant sa main chaude parcourir ma cuisse, mon corps laissa échapper quelques signes de faiblesse. Le désir semblait s'emparait de moi et je savais qu'en acceptant une nuit avec cet inconnu, je me sentirais vivante ! Une fois de plus j'aurais fait ce que je n'aurais jamais penser pouvoir franchir. La chair. Il n'y avait rien de mieux que le plaisir qu'elle pouvait susciter en nous ! J'avais besoin de ça pour me prouver à quelle point j'étais une femme séduisante, fatale qui pouvait avoir tout ce qu'elle voulait grâce à son charme. Ainsi, j'acceptais sa demande, me trouvant comme excuse que je devais rembourser l'argent que j'avais emprunté à Osee quelques heures plus tôt. Ce que je faisais n'était selon moi pas malsain. C'était simplement prendre du bon temps comme on pouvait en prendre en allant pêcher ou en allant à la piscine avec un ami. Sauf que là, j'avais un bonus à la clé, celui de l'argent. Et puis, je fais parti de ces filles qui avaient besoin de se sentir puissante et pouponner en permanence. Quel mal y avait-il à ça quand la vie vous donner une nouvelle chance ? Celle de la vivre pleinement et pas rester enfermer dans une cage dorée, laissant vos faits et gestes dictés par les autres.